Aînée de trois enfants, je suis née le 28 avril. Maman a dû patienter deux jours avant que je ne pointe le bout de mon nez. Pour son deuxième accouchement, ma maman a finalement choisi l’hôpital plutôt que la “maternité” de Merchtem. (rire)
Nous étions une famille heureuse. Papa travaillait aux chemins de fer. Maman est devenue femme au foyer après la naissance de son deuxième enfant. Mon père lui a dit : c’est mieux que tu restes à la maison. C’était une tout autre époque.
Ici, je pédale sur mon tricycle dans la salle à manger chez mes parents. Ma sacoche est accrochée au guidon. J’avais déjà à l’époque une fascination pour les sacs à main. Ma maman m’en avait acheté un pour éviter que je ne prenne toujours le sien (rire).
Mon premier frère est né lorsque j’avais cinq ans. Il aurait dû s’appeler Geert mais Eddy Merckx venait de gagner le Giro alors mon père une fois arrivé à la commune, en a fait un Eddie. J’étais contente d’avoir un frère car un enfant n’aime pas rester enfant unique.
La mort de mon père. Notre voisin et lui ont été victimes d’un accident. Un camion les a fauchés. Deux amies de ma mère sont venues me chercher en classe. Je pensais qu’il était arrivé quelque chose à ma mère qui était enceinte. Lorsque je suis arrivée à la maison, mon grand-père m’a dit : ton papa est mort. C’était la fin de ma jeunesse insouciante.
J’avais sept ans et j’ai pris beaucoup de responsabilités sur mes épaules. Il le fallait bien, en tant qu’aînée avec une maman enceinte et qui d’un coup se retrouvait seule pour nous élever. Nous avons directement pris le téléphone à la maison. Maman a appris à conduire et s’est acheté une voiture. Une Volvo grise avec un intérieur rouge (rire). Ma grand-mère trouvait que ce n’était pas une voiture pour une femme seule mais elle nous a bien rendu service pendant seize ans.
Comment j’ai vécu sa mort ? Un enfant vit le deuil différemment d’un adulte. Cela a été un choc. Mais je pense que nous étions tous réalistes. Nous n’avions pas le choix, il fallait continuer pour notre famille. Cet événement m’a façonnée et m’a fait prendre conscience de l’importance de la protection sociale.
Nous avons réussi à surmonter cette épreuve. Quand vous obtenez votre diplôme, vous vous mariez, vous avez des enfants, vous pouvez bien entendu vous dire : si seulement papa pouvait être ici. Mais ce n’est pas en restant paralysé par le chagrin que les choses s’arrangent.
Mon deuxième frère est né cinq mois après sa mort et se prénomme Jan en sa mémoire.
A huit ans, je prenais seule le train à Merchtem pour me rendre à l’école à Laeken. Après le trajet en train, il fallait marcher vingt-cinq minutes. Je savais : d’abord longer le mur du cimetière et puis j’y étais. C’était monsieur Schoofs, le professeur de la petite école à Merchtem qui avait cela sur la conscience. J’étais dans une classe de transition où les premières et les deuxièmes étaient ensemble et je lui tapais assez bien sur les nerfs. (rire) Il me faisait toujours faire des corvées afin de ne pas avoir à me supporter. Je savais déjà lire l’heure en première alors qu’il devait s’échiner pour l’apprendre à des enfants de deuxième. Il a dit à ma mère : envoyez-la dans une école où elle devra travailler plus car elle me rend dingue. Ma mère a suivi son conseil. Elle a fait une fois le trajet avec moi. Elle a fait en sorte que je sois rapidement autonome mais elle savait aussi que j’en étais capable. Et lorsque les trains étaient en grève je pouvais l’appeler.
Nous étions tous là quand ma mère a fait la connaissance de cet homme. Mes frères avaient cassé une vitre en jouant au football. Mais c’était en plein congé du bâtiment. Une amie de ma mère connaissait quelqu’un qui pouvait la réparer. Et après la réparation de la fenêtre, il a continué à venir à la maison. C’était l’émoi dans le village : une veuve avec trois enfants avec un célibataire de 8 ans plus jeune. Mais encore aujourd’hui, après autant d’années, ils forment encore toujours un bon couple. Nous ne nous sommes jamais tus à propos de notre vrai père. Mais nous étions très contents que maman soit à nouveau heureuse et que nous soyons redevenus une famille « normale ».
Lorsque j’avais 16 ans, j’ai assisté avec ma mère à une conférence de Willy De Clercq. Une fois la conférence terminée, un jeune type est monté sur scène et a déclaré : « Je vais créer une section jeunes du PVV». J’ai toute de suite voulu m’affilier car je devais parfois me battre pour pouvoir sortir. Mais comme ma mère était une grande fan de Willy De Clercq, ces sorties-là étaient autorisées (rire). J’ai commencé dans le club de volley pour ensuite rejoindre la direction de la section. Ce jeune type, c’était en fait Luc qui, par la suite, est devenu mon mari.
Nous nous entendions bien mais il a dû me faire la cour pendant un certain temps avant que l’on ne se mette ensemble. (rire)
Il avait sept ans de plus que moi et je me trouvais trop jeune pour avoir un petit ami fixe. Je voulais également être certaine que je pouvais commencer l’université car ma grand-mère estimait que j’avais déjà suffisamment étudié. Et « si elle a un petit ami, elle peut tout de même aller travailler? » Ma mère, qui elle-même n’avait pas été très longtemps à l’école, a répondu : non, ma fille aura les mêmes possibilités que les garçons.
La médecine était mon premier choix mais j’hésitais car c’était sept années d’études. La chimie m’intéressait également mais les filles qui font la chimie se retrouvent généralement dans l’enseignement. Et je ne voulais pas faire subir cela à des enfants. Luc m’a toujours soutenue. Lorsque ma maman lui a demandé son avis, il a répondu : laissez-la faire ; de toute façon vous ne pourrez pas l’arrêter. Après m’être inscrite, je lui ai ouvert mon cœur.
J’étais toujours au régime. Généralement des régimes draconiens où je devais survivre avec une feuille de salade et une tomate. A dix-huit ans, j’ai dit : maintenant ça suffit. Certains y voient un aveu de faiblesse. Mais qu’ils pensent ce qu’ils veulent. J’ai toujours été rondelette tout comme mes frères d’ailleurs. Une caractéristique familiale des De Block contre laquelle je me suis battue pendant longtemps. Mais le jour où j’ai arrêté les régimes, cela a été pour moi un vrai soulagement. Ma vie sociale en souffrait. A présent, je m’accepte comme je suis. Mon corps est ainsi fait. Vous pouvez vous rendre malheureuse toute votre vie, mais pour moi ce n’est pas une option.
Si je faisais le tour du parc en courant tous les jours, les choses auraient peut-être été différentes ; mais je n’aime pas courir, en revanche nager et me promener, oui. J’aimerais bouger davantage. J’essaie de nager quelques longueurs une à deux fois par semaine. Le mardi avec les amies, le week-end toute seule. J’y parviens plus facilement pendant les vacances. En voyage, je maigris car je marche plus et brûle plus de calories. J’essaie aussi de manger sainement. Si je ne le faisais pas, je serais encore plus grosse. Lors d’une journée de groupe du parti, quelqu’un m’a un jour demandé : pourquoi tu ne finis pas ton assiette ? Je lui ai répondu : tu veux que l’année prochaine je doive prendre deux chaises pour m’asseoir ?
Quand on est gros c’est visible, c’est là tout le problème. On peut être bête comme un pied, si vous n’ouvrez pas la bouche, personne ne le remarquera. Mais s’il faut choisir, en ce qui me concerne, le choix est vite fait. C’est ce que je dis également à ma fille. Elle est mince mais elle doit également faire attention. Lorsqu’elle me disait : je tiens ça de toi. Je lui répondais : oui et tes bonnes notes en mathématique aussi.
Je me suis mariée en deuxième candidature. C’était un samedi et le lundi j’avais un examen partiel. Ce n’était pas idéal mais l’examen avait été déplacé. (rire) Luc m’avait demandée en mariage l’été précédent en Normandie. Nous voulions en fait vivre ensemble. Mais ma mère n’était pas d’accord. Ma maman m’a regardée bizarrement lorsque je lui en ai parlé. Je lui ai demandé plus tard : pourquoi tu ne m’en as pas dissuadée ? J’étais si jeune. Elle m’a répondu : comme si j’aurais pu te convaincre… Elle a tout de même continué à payer mes études, elle voulait que je sois indépendante.
Je garde de bons souvenirs de cette période. Nous étions les premiers de nos amis à nous installer. Notre appartement c’était la maison du bon accueil. Et en octobre, Luc est devenu échevin.
Avoir un enfant pendant ses études, c’était bien quelque chose pour moi. (rire) Luc aurait bien voulu les avoir plus tôt mais je voulais être plus près du moment où j’aurais mon diplôme. J’étais la seule étudiante avec un enfant. Pendant les examens, je pouvais déposer Julie chez Joséphine de la bibliothèque. Je trouvais que c’était fantastique de devenir maman. Julie et moi sommes comme deux doigts de la main. C’est encore toujours le cas aujourd’hui. Nous sommes très proches l’une de l’autre.
Avec la naissance de Jan, notre famille était au complet. Il préfère rester loin des projecteurs.
Les examens de fin d’étude, la construction de notre maison, Luc qui est à nouveau élu et le démarrage de mon cabinet. Ma maman me disait : il faut vraiment que tu fasses toujours tout en même temps ? Dès que j’ai commencé mes études, mon objectif était de devenir généraliste. Pourquoi ? Parce que l’on peut prendre autant de temps que l’on estime nécessaire pour un patient.
En 1998, cela commençait à me démanger. Des enfants, le cabinet, tout allait bien mais je me sentais encore trop jeune pour en rester là. Je voulais avoir un hobby. Mais il y avait peu de choses qui m’intéressaient. Sauf la politique. A cette époque, on commençait également à dire qu’il fallait plus de femmes en politique. La politique communale n’était pas une option, avec un frère et un époux qui en faisaient déjà. J’ai donc écrit à Guy Verhofstadt et j’ai été invitée à un entretien. Après toute une série de procédures pour la constitution des listes en 1999, j’ai été prise pour figurer sur la liste pour la chambre.
J’ai été élue à une place de combat. Avec la campagne la moins chère de l’histoire : une photo d’identité améliorée faite par le photographe du village pendant que je faisais mes consultations à domicile. 6.996 voix. Cela m’a fait énormément de bien. Mais je devais goupiller tout cela : un siège au parlement, le plus gros cabinet de Merchtem et deux enfants, de sept et onze ans. De nombreuses babysitteuses et beaucoup d’aide de ma maman ont été nécessaires. Et aussi Tom, un jeune docteur qui assure encore aujourd’hui les consultations. Ma maman m’a traitée de folle. Au parlement, tu es une inconnue, tu dois de nouveau faire tes preuves. Mais j’ai besoin de défis. Et des « cela ne va pas marcher », ce n’est pas à moi qu’il faut dire cela. Luc m’a aussi soutenue. Cette nuit des élections, il était encore plus nerveux que moi. Mes enfants m’ont également soutenue. Quand Julie a dû se présenter en humanités, elle a apporté des affiches de ses parents. Je suis la fille de deux personnes dont la photo figure sur des affiches en rue. Plus tard, elle a fait de même.
Après 541 jours de négociations, je me suis dit : ouf, ma vie reprend son cours. C’est alors que mon GSM a sonné pendant ma consultation. Alexander De Croo. J’ai pensé : les négociations sont terminées, pourquoi m’appelle-t-il maintenant ? Il me dit : nous avons les Pensions et la Justice. Et un poste de secrétaire d’Etat pour lequel j’ai pensé à vous.
La lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale. J’ai demandé : combien de temps de réflexion me laissez-vous ? Il a répondu : trois minutes. Mais avant d’entamer la réflexion, vous vous rendez compte : l’Asile et la Migration en font également partie (rire aux éclats). Je me suis alors dit : l’année prochaine, j’aurai cinquante ans, il est peut-être temps de relever un nouveau défi. J’ai donc répondu : j’accepte. Je devais encore voir cinq patients. Après le dernier, je me suis précipitée à l’étage et Luc m’a dit : « t’es juste à temps, ils vont annoncer les heureux élus » et j’ai répondu « je le sais déjà, tu en as un en face de toi». Il s’est levé « Quoi, et tu ne dis rien ! ». Mais je n’avais pas pu m’absenter entre deux patients. J’ai demandé «Sinon, qu’est-ce que tu aurais dit ? ». Il m’a répondu : « Que tu devais le faire évidemment ! »
Dès le début, on s’en est pris violemment à ma personne. Quand Patrick Dewael a demandé de lui laisser six mois pour trouver ses marques en tant que ministre de la Culture, personne n’a trouvé à y redire. Mais lorsque j’ai dit que je me tairais pendant un mois, la pièce est devenue soudain trop petite. Ce n’est pourtant pas une attitude dénuée de bon sens lorsque vous venez tout juste de débarquer dans un gouvernement. Dans une interview dans De Morgen, j’ai ensuite été complétement démolie. C’était un règlement de compte. Mais c’est ainsi que cela se passe. Chaque nouveau gouvernement a sa victime. Ils cherchent le maillon faible et ils vous démolissent. Lorsque je relis aujourd’hui cet article, je suis fière de dire : j’ai tout réalisé. Mais ils voulaient à tout prix me ridiculiser. Voyez : wanneer zakt ze door het ijs, het meisje uit Merchtem? (En français : Quand la petite fille de Merchtem va-t-elle se prendre un mur ?). Mais ce n’est pas arrivé. Nous avons maîtrisé la crise de l’asile. Avec des moyens supplémentaires et en misant sur le retour volontaire. Ça été difficile. Mais ce qui ne tue pas rend plus fort.
Ces sondages ? Je ne savais même pas qu’ils existaient. Mais tout à coup vous vous trouvez à la première place. La médaille a deux revers : cela fait énormément plaisir mais cela rend également beaucoup de gens hargneux. Que peut-elle bien avoir pour mériter la première place ? Et au final, qu’est-ce que cela vous rapporte ? Ce n’est pas un secret, le département dans lequel vous travaillez y est pour beaucoup. Personne n’est resté populaire aussi longtemps en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.
Quand le Roi m’a dit lors de ma prestation de serment: ce sont de grands départements, vous allez devoir travailler dur, j’ai répondu : oui mais c’est mon rêve. Je le pense vraiment, j’en ai toujours rêvé. Même si parfois je me dis : si j’avais su à l’avance que je les recevrais, j’aurais peut-être eu moins d’ambition pendant les négociations. (rire) Non, je suis fière d’avoir pu convaincre 121.319 électeurs flamands avec mes plans en matière de soins de santé. J’aime ce que je fais. C’est à nouveau un défi mais je trouve que j’ai déjà pu faire de grandes réformes. Quel sera mon prochain défi, je ne le sais pas encore. Pour la première fois je me dis : j’aimerais bien vivre une vie sans trop de défis. C’est peut-être parce que je vieillis. (rire)
2017 a été une année cauchemar. Fini la première place dans les sondages mais ce n’était pas de cela dont il s’agissait.
Voir votre fille perdre son fiancé, cela fait énormément de peine et dans une fonction publique vous devez cacher votre chagrin et continuer à travailler. En fait, je ne suis pas allée à mon cabinet pendant deux jours mais les chauffeurs m’apportaient les dossiers à maison. Alors que je pensais : je dois rester auprès de Julie.
Koen était un homme sportif, le coach du basket. A 17 ans, Julie l’avait ramené à la maison. Deux semaines plus tard, elle me disait : il souffre d’une maladie héréditaire. Je lui ai répondu : si cela ne te pose pas de problèmes, à nous non plus. Nous pensions que son état se détériorerait lentement mais finalement il est décédé d’un arrêt cardiaque. Cela lui a probablement évité beaucoup de misère mais nous aurions préféré l’avoir plus longtemps près de nous. 34 n’est pas un âge pour mourir brutalement. Mais c’est quelque chose qu’il faut accepter. Julie dit parfois : cela nous a rapprochés. Et c’est vrai : le clan De Block se rassemble dans le chagrin. Mais quand même elle n’aurait pas dû vivre cela. Vous relativisez par vous-même. Qu’est-ce qu’une première place peut bien signifier lorsqu’une chose pareille arrive ?
Mon frère Eddie a décidé de céder son écharpe mayorale après 18 ans. À la veille de ses 51 ans, il a eu l’opportunité de se lancer dans un nouveau défi professionnel. Une fois qu’on arrive à ce point-là dans sa carrière, c’est maintenant ou jamais. Lors des élections précédentes, il avait battu son propre record de voix de préférence. Il avait un score inédit et il peut désormais terminer en beauté. Ça restera à jamais inscrit dans sa mémoire.
C’est alors que les membres du bureau du parti se sont tournés vers moi pour me passer le flambeau, bien que je ne me sois encore jamais présentée sur une liste communale. Je me disais toujours que deux personnes venant d’une même famille suffisaient déjà. Avant, il y avait Eddie et mon mari, Luc. Cette fois, c’était Julie et moi qui étions sur la liste. Chez nous, toute la famille a attrapé le microbe de la politique. Un peu comme dans la famille Borlée où ils font tous de l’athlétisme.
Notre Lijst 1785 nous a permis de rester le plus grand parti. J’ai récolté 1.665 voix de préférence et Julie a réussi à améliorer ses résultats de 2012. Notre souhait est de présenter une équipe jeune. Étant donné que je suis encore ministre, nous avons préféré donner le titre de bourgmestre au deuxième candidat ayant obtenu le plus de voix ; Maarten Mast. Maarten est pharmacien dans l’ancienne commune de Brussegem. Il le mérite vraiment et il fera un excellent bourgmestre.